Type de document : lettre ouverte de la Confédération paysanne à la Ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Auteurs : Stéphane Galais, Yves-Pierre Malbec, Jean-Jacques Bailly
Extrait : Madame la Ministre, Le nombre d’abattoirs ne cesse de diminuer : 226 à ce jour contre 400 en 2003. Parmi eux, 30% sont des abattoirs publics qui assurent une prestation d’abattage pour des usagers, dont en premier lieu les paysannes et paysans pratiquant les circuits courts.
La baisse du nombre d’outils d’abattage s’est accompagnée d’une concentration économique et géographique de ce maillon essentiel de la filière au profit des grands groupes, industriels et privés. Depuis deux ans, le rythme de fermeture des outils d’abattage de proximité s’est accéléré : un abattoir ferme tous les mois !
C’est le cas par exemple dans les Hautes-Pyrénées, où l’abattoir de Bagnères-de-Bigorre a fermé en septembre dernier. […) Les éleveurs et les éleveuses de ce territoire ont besoin d’un signal public fort pour sauver leur outil de travail : dans ce territoire de montagne, la disparition de l’abattoir menace l’existence-même de l’élevage, mais aussi de toute activité agricole.
La situation de Bagnères-de-Bigorre est loin d’être isolée : l’État reste aux abonnés absents pour soutenir les projets portés notamment par les éleveurs et les éleveuses, dans les territoires désormais dépourvus d’abattoir : Lubéron (projet d’abattoir mobile), Sud Loire-Atlantique / Nord-Vendée (projet de l’AALVIE suite à la fermeture de l’abattoir de Challans), Tarn-et-Garonne (fermeture définitive de l’abattoir de Montauban), Gard (projet suite à la fermeture de l’abattoir d’Alès), Haute-Vienne (projet suite à la fermeture des chaînes ovine et porcine de l’abattoir de Limoges), Nord Loire-Atlantique (projet de l’APPPOC)…
D’autres abattoirs, fermés temporairement, tardent à rouvrir. C’est le cas par exemple dans le Puy-de-Dôme (Ambert), les Côtes d’Armor (Quintin), la Nièvre (Corbigny) ou encore les Alpes-Maritimes (Mercantour). Dans tous ces territoires, les éleveurs et les éleveuses se retrouvent dans la plus grande difficulté pour faire abattre leurs animaux. Et ce, notamment lorsque la vente est en circuits courts pour tout ou partie de leur production. Mais pas seulement : la disparition des abattoirs déstructure aussi les filières longues, qui ont besoin de leur ancrage local pour générer de la valeur ajoutée et donc une meilleure rémunération des éleveurs et des éleveuses. Par ailleurs, dans les prochains mois, nous savons que d’autres départements pourraient être touchés par des fermetures d’abattoir. Dans le Lot, l’abattoir de Saint-Céré tourne en sous-capacité et rencontre de grosses difficultés financières, exacerbées par une pression normative de la part des services vétérinaires. Les éleveurs et les éleveuses craignent de voir disparaître leur outil d’abattage. Des craintes similaires sont partagées ailleurs, par exemple par les paysannes et paysans utilisant les abattoirs de Vannes (Morbihan), Bergerac (Dordogne), Saint-Girons (Ariège), Charlieu (Loire), Quillan (Aude), Montmorillon (Vienne)… […]Le monde de l’élevage a un besoin primordial de ces outils d’abattage de proximité, maillons incontournables pour la valorisation du travail des éleveurs et des éleveuses et pour la réponse aux attentes sociétales en matière de protection animale. Nous comptons sur vous, Madame la Ministre, pour que les éleveurs et éleveuses puissent se réapproprier leurs outils de travail et retrouver leur dignité, et pour que les territoires retrouvent leur vitalité agricole par la diversité de modèles et non par un modèle unique qui a déjà montré ses limites.
C’est bien un soutien volontaire et efficace de votre part que nous attendons pour maintenir des élevages paysans et entretenir des campagnes vivantes, dans une perspective de souveraineté alimentaire.
